L'école à Beaumont en Véron

 

Cet article a été réalisé avec l'aimable collaboration de Mr Pierre ACIER.
 
 
    Avant la Révolution, l'instruction publique était ni gratuite, ni obligatoire, encore moins laïque. Au village seul le curé avait une instruction suffisante pour lire , écrire ou compter sans trop de problème. A Beaumont en Véron en 1789 , 90% des habitants ne savaient pas écrire leur nom comme on peut le constater sur les registres d'état civil ou les actes notariés. Une simple croix parfois, c'est la seule trace qui nous reste de ces Bellimontois.
 L'enseignant était un clerc, parfois tonsuré. Il faisait presque toute sa carrière au pays sous la tutelle ecclésiastique. Il était également chantre, sonneur de cloches et balayeur de l'église. Assurant la fonction de "magister", le maître d'école d'antan était respecté pour son savoir dans un milieu quasiment analphabète. Son logement servait à la fois de classe unique, de cuisine et chambre à coucher. Cette classe tout comme la maison commune (mairie) était installée dans le vieux prieuré à côté de l'église. Les logements étaient rares à cette époque; 6 habitations seulement constituaient le bourg de Beaumont. Dans cette promiscuité, le maître après la lecture de l'évangile en début de journée, essayait d'apprendre quelques rudiments d'alphabet, d'arithmétique et de français aux élèves assis sur des bancs de fortune. Pour son travail d'enseignant, il recevait en moyenne par élève et par mois, 10 sous pour les petits et 15 à 20 sous pour les grands. L'effectif de la classe variait en fonction des saisons et des travaux dans les champs. Cette habitude à longtemps perduré à la campagne au grand désespoir de l'Instruction publique. Comme ses droits de clergie et d'écolage ne lui permettaient pas de vivre, il était paysan à temps partiel, bêchait sa terre, récoltait un peu de froment, de vin et de légumes. Il allait à sa journée pour faire les foins, la moisson et les vendanges. Sa femme faisait des lessives ou gardait les enfants de notables villageois.
 Dans cette école d'autrefois, on enseignait avant tout l'utile à la vie paysanne, notamment les poids et les mesures. On ne connaissait pas le système métrique. Dérivant d'anciennes unités romaines modifiées au XIVème siècle par le pouvoir royal, les mesures étaient souvent adaptées à la sauce locale. Elles avaient l'inconvénient majeur de varier d'une province, voire d'un canton à l'autre. Le pouce, le pied, la chaînée, la boisselée, l'arpent, le boisseau, le setier, la pipe, la corde; autant d'unités de mesures que l'écolier devait apprendre et retenir. Bien souvent, ce savoir était complété par la transmission orale de père en fils qui défiait l'Instruction publique voulant uniformiser. Les anciens connaissent ces mesures même encore de nos jours ou la corde (de bois) fait 3 stères en Touraine et 4 ailleurs en France.... une coutume qui a la vie dure!
1789 avec son grand chambardement, arriva à Beaumont comme partout ailleurs, le conseil révolutionnaire avait décidé de faire appliquer les nouvelles lois, notamment le décret du 29 Frimaire, an II de la République, instituant l'instruction gratuite et obligatoire. Hélas ce décret fut un beau souhait qui ne se réalisa pas faute de moyens. Par contre, il engendra un conflit au sein de la commune entre partisans de l'école publique et ceux de l'école privée qui dura jusqu'à la fermeture de l'école privée du Martinet en 1946/47
Maintenant regardons le coté historique et les événements qui ont marqués l'évolution de l'enseignement sur Beaumont.
Le 30 Fructidor, an III (Septembre 1794) de la République, le Conseil rassemblé autour du procureur communal Gallé, du greffier Julienne et du Maire Mestayer, déclara la citoyenne Françoise Goberon apte à se livrer à l'éducation de la jeunesse. La première institutrice laïque de Beaumont était nommée.
On peut facilement imaginer que cette nomination déclencherait une rivalité entre les deux entités, et qu'en fonction des conseils en place, les situations évolueraient dans le temps. 
Une première affaire éclata le 10 janvier 1833: le sous-préfet donna l'ordre de fermer l'école primaire, ouverte par le curé Bonnard ( école St Charles construite sur les ruines du château de Pain Perdu) sous prétexte que celui-ci n'avait pas les qualités requises pour enseigner. Un an plus tard (le 30 janvier) changement d'attitude, le préfet informe le maire qu'il avait reçu le brevet de capacité à enseigner de l'abbé Bonnard. 
Le 16 janvier de cette même année, l'achat d'une propriété (terrains et caves) est réalisée pour construire une école de garçons et la nouvelle mairie. 
Le 5 septembre, l'entretien de l'école primaire d'Avoine-Beaumont (St Charles) est à l'ordre du jour. Le préfet estime que 300 garçons sur ces 2 communes sont susceptibles de recevoir l'instruction (école intercommunale). Au mois de janvier 1838, le maire certifie que Alphonse Bonnard, curé, remplit correctement la fonction de maître d'école depuis 8 ans. Il y a 60 à 70 enfants à l'école St Charles l'hiver et 30 à 40 seulement l'été. La même année, le conseil royal décide que l'on doit abandonner les anciennes mesures et apprendre le calcul décimal (obligatoire depuis 1837) . Là aussi il faut du temps pour que cela se mette en place. 
Les années passent et il aura quand même fallu attendre 20 ans pour voir enfin l'école de garçons prendre forme. C'est seulement en 1854 que la commune décide la construction de l'école à côté de la mairie. On peut penser que durant toute cette période, la motivation ne devait pas être suffisante pour voir le projet déboucher.
En 1857, la commune rachète l'école privée St Charles à l'abbé Turquois pour installer l'école des filles. Les filles attendirent 3 années supplémentaires pour avoir leur école.
Les lenteurs de l'administration ne datent pas d'aujourd'hui. En 1863, une décision est prise pour le paiement d'un reliquat (4000F) dû au propriétaire du terrain vendu à la commune pour construire l'école et la mairie (l'achat avait été effectué en 1834) !!!
L'enseignement il est vrai ne touche que les enfants. Il ne faut pas oublier que les adultes, pour une grande partie, étaient aussi analphabètes. Une loi est donc promulguée pour que les adultes puissent aussi recevoir un enseignement. En 1867 le conseil, conformément à la loi sur les cours donnés aux adultes, répond qu'il y a déjà : une école communale pour garçons, une école communale pour filles, et une salle d'asile communal. Ces trois établissements sont gratuits et les frais sont supportés par la commune. Il existe un cours d'adultes garçons mais pas pour les filles. 
En 1869, les Dames religieuses qui dirigeaient l'école de filles et la salle d'asile communal se retirent dans leur congrégation à Angers. La commune décide d'acheter le mobilier (couvre-pieds, couette, couvertures, paillasses, pots de nuit, vaisselle, marmites, croix de classe, ardoises, crayons, livres etc. ) pour la somme de 1485F
Les instituteurs sont en réalité des employés municipaux puisqu'ils sont rémunérés par la commune. Voici le salaire voté en conseil en 1870 pour les maîtres d'écoles:
- 1200F pour l'instituteur de l'école de garçons 
- 800F pour l'instituteur de l'école de filles
- 400F pour la directrice de l'asile(classe des petits).
On peut constater que la hiérarchie des salaires est fonction du sexe des élèves, surprenant non !! 
A partir de 1881 l'école va connaître une évolution importante grâce à un homme nommé Jules FERRY. Il fait voter un texte de loi qui rend l'école gratuite. Puis en 1882, il poursuit sa réforme et rend cette fois l'école obligatoire et ce n'est qu'en 1886 qu'elle devient laïque.
Suite au départ des religieuses de Beaumont en 1869, l'enseignement était strictement laïque mais voilà qu'en 1902, Alexandrine Grolleau dite S?ur Marie en religion, de la congrégation de St Charles d'Angers, déclare avoir l'intention d'ouvrir une école privée de filles près du bourg de la commune au lieu dit le Martinet. Les bâtiments appartiennent à une société civile qui a son siège dans la commune. Ce projet n'aboutit pas suite à une opposition du conseil municipal . Mais 2 années plus tard (le 24 juillet 1904) Joséphine LIVENAIS de Beaumont, déclare au maire son intention d'ouvrir une école privée de filles au Martinet. Accord du maire de l'époque Mr Guertin.
 Cette même année, un conflit apparaît au sein du conseil municipal. L'objet du différend est le remplacement de la statue de la vierge en façade du bâtiment de l'école de filles (ancienne école St Charles) par un buste de la République. Le résultat du vote à bulletin secret donne:  2 pour, 6 contre, 4 blancs. La statue de la vierge restera donc en place. Cette passe d'arme a-t-elle laissé des séquelles? On pourrait le supposer, car après avoir donné son accord en juillet, le maire s'oppose à la réouverture de l'école privée du Martinet pour les causes suivantes:
- L'éclairage naturel par des fenêtres sur 3 faces du bâtiment est une gêne pour la maîtresse.
- Le fond des fosses d'aisance n'est pas cimenté.
- L'eau n'est fournie que par une pompe dans l'arrière cour
Bilan final, l'école sera quand même ouverte!!!
Traversons quelques années pour arriver en 1913 (le 19 Juillet) où un événement important s'est produit, l'inauguration de l'école intercommunale du Grand Ballet. Cela concernait les communes de Chinon, Beaumont en Véron, Huismes. Vous le voyez l'inter-communalité n'est pas un phénomène récent, on en parle à nouveau aujourd'hui. A cette époque on arrivait à la réaliser sur un objectif précis il est vrai. Cette inauguration en présence du député-maire de Chinon des maires et conseillers municipaux des communes concernées, de l'inspecteur primaire etc.. fut l'objet d'une grande fête, banquet et feu d'artifice. Elle cessera de fonctionner en 1976
Jusqu'en 1925, les enfants devaient apporter leur nourriture dans la mesure où ils ne pouvaient pas rentrer chez eux . Autre point important, le transport scolaire n'existait pas, les vélos étaient rares et la marche à pied était pratiquement le seul moyen pour se rendre à l'école. La création d'une cantine scolaire à Beaumont fût décidée cette année là.
 En 1930, on effectuait déjà des prévisions sur l'évolution des effectifs des écoles publiques de Beaumont:
                    1930    1931    1932    1933    1934    
Garçons         66      66      66      67      67
Filles              54        61      67      71      71
L'école du Martinet voit ses activités cesser vers 1946/47. Ce sera la fin de l'école privée à Beaumont en Véron.
Le 29 janvier 1955 le conseil adopte un projet de construction d'un groupe scolaire de 2 classes et d'un logement, conforme aux normes de l'Education nationale. Ce projet est abandonné 8 mois plus tard pour un autre de 3 classes, sans logement car l'école de filles serait transformée en logement de "maîtres". Ce projet va connaître pas mal d'aléas. La première implantation envisagée est abandonnée. Il faut donc trouver un nouveau lieu. Une commission est crée en octobre 1956 pour trouver des terrains et contacter les propriétaires. Le 23 novembre, la commission fait par de ses recherches et le conseil se prononce pour l'implantation sur des terrains situés dans le bourg, reste à voir les propriétaires. Le 6 juin 1958, le conseil donne son aval au maire pour la signature des marchés. La première tranche de travaux sera réalisée en 1959, la seconde en mai 1965. La cantine scolaire devient de plus en plus inadaptée. Une réfection un moment envisagée est abandonnée, mais il devient urgent de prévoir une construction nouvelle. Le conseil décide le 22 Avril 1975, compte tenu de la vétusté et l'insalubrité du local actuel, la construction d'une nouvelle cantine.
L'école maternelle actuelle est décidée en 1978, mais la réalisation ne se fera pas tout de suite. Ce n'est qu'en 1988 que les travaux commenceront et l'ouverture se fera après les vacances de fin d'année, en janvier 1989. Un beau cadeau de Noël pour les petits. 
 
 
Cet article a été réalisé avec l'aimable collaboration de Mr Pierre ACIER.